Le Forum

Camille Corot
Le Forum vu des jardins Farnèse (mars 1826)
huile sur papier marouflé sur toile 28 cm x 50 cm

[louvre.edu], photo Erich Lessing

Le forum avec le Tabularium, au fond, le temple de Saturne, l'arc de Septime Sévère, la Curia et peut-être le Tulianum, la prison qui servait de lieu d'exécution

Lorsque Romulus fonda Rome, en 753 av. J.C., le forum n'était qu'une plaine marécageuse où les habitants des collines, ceux du Capitole, du Quirinal et du Palatin, enterraient leurs morts. Mais, par sa situation exceptionnelle au carrefour de deux routes, l'une longeant le Tibre, l'autre le traversant, l'endroit était propice à la création d'un lieu d'échanges commerciaux.

Dès le VII° siècle avant J.C., les Etrusques, qui vivaient au Nord de Rome, entreprirent l'assainissement et le pavement du sol : déjà, le système d'égouts romain, avec le fameux cloaca maxima, était créé et la vocation commerciale du forum s'affirmait avec la construction de nombreuses boutiques, les "tabernae".

A côté de sa fonction commerciale, le forum accueillait également, dès l'origine, des activités politico-religieuses avec la place des Comices et le temple de Vesta.
Lorsque Rome chassa les rois étrusques et devint républicaine, en 509 av. J.C., le nouveau régime accentua le caractère religieux du forum primitif en construisant le temple de Saturne et celui de Castor et Pollux mais ce n'est qu'après une éclipse d'environ deux siècles, marquée par des guerres incessantes, que le forum se développa pleinement.
Après la chute de la République, le vieux forum, avec ses airs de place du marché et ses petites échoppes, n'était plus à la hauteur des ambitions romaines : désormais, Rome régnait sur un vaste empire et il lui fallait une politique de travaux publics à sa mesure. Les fonctions administratives et politiques prirent donc le pas sur le commerce mais, alors que la politique et le gouvernement étaient jusqu'alors des affaires publiques, impliquant la totalité du peuple, ils devinrent en grande partie l'affaire d'un seul.
Avec César, qui se fait construire un temple personnel sur le forum, le désir d'ostentation remplace le souci de la chose publique et l'on voit fleurir les arcs de triomphe impériaux et les bâtiments de propagande des familles dirigeantes : Auguste et Titus firent construire leurs arcs de triomphe et Vespasien se fit édifier un temple ; bientôt d'autres forums sortirent de terre, rivalisant avec le vieux Forum Romanum : le forum d'Auguste, le forum de Nerva et le forum de Trajan. Cependant les constructions ne cessèrent pas sur l'ancien forum qui accueillit encore le temple d'Antoninus et Faustina et le temple de Romulus, l'arc de Septime Sévère et la basilique de Maxence.
L'Empire romain entraîna le forum dans sa chute ; devenu simple carrière de pierres, il fut dépecé par des générations de pillards qui firent main basse sur les statues de bronze et sur les panneaux de marbre tandis que l'Eglise s'appropriait quelques temples pour les transformer en églises. Peu à peu les ruines furent envahies, recouvertes par la végétation et le forum transformé en pré où venaient paître les vaches ; il devint ainsi au Moyen Age
"il Campo Vaccino", "le champ des vaches", un motif prisé des peintres dès le XVII° siècle. L'image que nous en donne Corot, en 1826, reproduit fidèlement quelques-uns des monuments les plus prestigieux de l'Antiquité, au milieu des constructions de la Rome moderne mais elle est aussi superbe d'harmonie et de lumière. Voici le commentaire de la toile que l'on peut lire sur [Louvre.edu] :


Le Colisée vu des jardins Farnèse et Le Forum vu des jardins Farnèse, peints durant le séjour de Corot en Italie, révèlent ses motivations : peindre fidèlement la nature, mais conserver le lien avec le paysage classique. Peints en plein air durant de longues séances solitaires et ensuite retouchés en atelier, ils font partie d’une série de trois vues qui évoquent les trois heures du jour, dans la manière des peintres nordiques ou italiens des XVIIe et XVIIIe siècles (le troisième tableau de cette série se trouve à la Phillips Collection de Washington). Le parfait équilibre de la construction et la luminosité qui permet un jeu de volumes sur les architectures ont apporté à ces tableaux un grand succès.

[louvre.edu], texte de Vincent Pomarède