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Trois nuits devaient
s'écouler encore avant que la lune eût pleinement
de son disque arrondi les contours. Dès que, brillant
de tout son éclat, elle montre tout entier son corps à
la terre, Médée sort de son palais, la robe flottante,
un pied nu, les cheveux épars sur ses épaules nues.
Seule et sans témoin, elle porte ses pas incertains dans
l'ombre et le silence de la nuit. Tout est dans un plein repos,
et l'homme, et l'habitant de l'air, et l'hôte des forêts.
Le serpent assoupi rampe sans bruit sur la terre. Le feuillage
est immobile. L'air humide se tait. Seuls, les astres semblent
veiller dans l'univers. Médée lève les bras
vers la voûte étoilée. Elle tourne en cercle
trois fois. Trois fois de l'eau d'un fleuve elle arrose ses cheveux.
Elle jette trois cris affreux dans les airs, et pliant un genoux
sur la terre, elle dit :
"Ô nuit, fidèle à mes secrets ; étoiles
au front d'or, qui, avec la lune, succédez aux feux du
jour ; et toi, triple Hécate, témoin et protectrice
de mes enchantements ; et vous, charmes puissants ; arts magiques
; terre, qui produis des plantes dont le pouvoir est si grand
; air léger, vents, montagnes, fleuves, lacs profonds,
dieux des bois, dieux de l'antique nuit, je vous invoque : venez
tous à mon secours ! Par vous, quand je commande, remontent
vers leurs sources les fleuves étonnés; par vous,
je brise, ou j'excite le courroux des mers ; je dissipe ou je
rassemble les nuages; je chasse ou j'appelle les vents. Mes enchantements
font périr les serpents, ébranlent les forêts
et les rochers, déracinent les arbres attachés
à la terre. À ma voix, les montagnes s'agitent,
la terre mugit, les mânes sortent de leurs monuments ;
et toi, lune, quoique le bruit de l'airain diminue tes travaux,
je te force à descendre jusqu'à moi ; |