LES SORTILEGES DE MEDEE

racontés par OVIDE

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Les mères des Argonautes, les vieillards dont ils sont les enfants, s'empressent aux autels des dieux pour célébrer leur retour. L'encens fume sur les feux sacrés. On immole les victimes aux cornes dorées; mais, courbé, sous le fardeau des ans, et déjà penché vers le tombeau, Éson seul ne peut prendre part à la joie publique : "Ô vous, dit Jason, chère épouse, à qui je dois la vie ; quoique vous ayez tout fait pour moi ; quoique vos bienfaits surpassent tout ce que les mortels peuvent croire, daignez encore, s'il est au pouvoir de votre art, et que ne peut votre art !daignez retrancher quelques ans de ma vie, et les ajouter aux ans de mon père".

 

À ces mots, des larmes coulent de ses yeux. Témoin de sa piété filiale, Médée en est émue. Elle se rappelle le vieil Aiétès, son père, qu'elle a quitté avec des sentiments bien différents. Mais elle dissimule son émotion : "Ah ! cher époux, répond-elle, ce que ta piété me demande est un crime. Pourrais-je prolonger la vie d'un mortel aux dépens de tes jours ! Hécate m'en préserve. Ta prière est injuste. Mais j'essaierai de te faire un don plus grand que celui que tu désires. Si la triple déesse me seconde, et si par sa présence elle favorise les opérations mystérieuses de mon art, je rajeunirai le vieil Éson, sans abréger le cours de tes années".