Augures, auspices et haruspices

un augure en train de scruter le ciel - bronze - [Louvre.edu]

Les augures étaient les interprètes des volontés de Jupiter, maître des signes ; il n'était pas question de partir à la guerre, de choisir l'emplacement d'un temple, de désigner un homme pour une fonction politique ou religieuse sans savoir si cela agréait aux dieux ; à la différence de la Sibylle, les augures ne prédisaient pas l'avenir, ils ne faisaient que consulter les dieux pour dire ce qui était fas et ce qui était nefas, autrement dit ce qui était autorisé ou interdit. En validant ainsi par la force sacrée les actions des hommes, les augures les libèraient de l'angoisse et de l'indécision.

Pour procéder à cette consultation, l'augure prenait son "lituus", un bâton recourbé ne présentant aucun noeud, et traçait dans le ciel, et, plus tard, sur le sol, le "templum", c'est-à-dire le périmètre sacré à l'intérieur duquel il entrerait en relation avec Jupiter : cette opération était "l'inauguratio"; à l'intérieur de ce périmètre, l'augure traçait ensuite une ligne nord-sud et une ligne est-ouest ; il se plaçait à leur intersection, tourné vers l'est, tandis que celui qui le consultait se tournait vers le sud. L'augure que nous voyons ici, avec son épaule et son bras droits entièrement découverts, ressemble curieusement aux bonzes asiatiques, il est saisi au moment où il "prend les auspices", c'est-à-dire où il observe le vol des oiseaux.

Le mot "auspices" vient en effet de "avis" - "oiseau" et "spicere" - "regarder" : si le vol passait à droite de l'observateur (dexter), les dieux étaient favorables, s'il passait à sa gauche, "sinister" (qui a donné notre mot "sinistre"), les dieux étaient défavorables. Il y avait deux sortes d'auspices, ceux que l'on sollicitait avec l'augure étaient dits "imperativa", ceux qui s'offraient d'eux-mêmes," oblaticia". Romulus et Rémus, en désaccord sur le lieu de fondation de leur ville, guèttèrent ainsi les auspices, chacun sur la colline qu'il avait choisie. Remus, sur l'Aventin, fut le premier à voir six vautours mais Romulus, peu de temps après, en compta douze. C'est ainsi qu'il sut que le Palatin, qu'il avait choisi, était agréé par les dieux.

Outre le vol et le cri des oiseaux, en particulier des pies, des corbeaux et des corneilles, l'augure observait aussi l'appétit des poulets sacrés : qu'ils refusent les grains, et le présage était néfaste, qu'ils le mangent avec voracité et le présage était faste ; d'autres augures, connus sous le nom d'"haruspices" (de haru - spicere : regarder les entrailles), observaient les viscères ("exta") des victimes sacrifiées : si le foie, la rate, l'estomac, les poumons le coeur et les reins présentaient les caractérisqiques voulues, ils étaient brûlés sur l'autel en offrande aux dieux, sinon, on recommençait le sacrifice. Sous Claude, les haruspices devinrent un collège spécial, distinct de celui des augures.

Les augures étaient inamoviles ; ils se recrutaient par cooptation au sien d'un collège sacré dont l'existence semble remonter au VII° siècle av. J. C. . Le collège des augures, qui comprenait six membres vers 300 av. J.C., atteignit 16 membres au temps de César. Bien que les Romains n'aient pas envisagé de se passer de leurs présages, les augures n'avaient pas toujours bonne presse parmi eux : Cicéron affirmait dans De Divinatine que deux augures ne pouvaient se regarder sans rire ...

Selon George Dumézil, le mot "augure" viendrait d'augus qui signifierait "plénitude de la force sacrée" : en se faisant appelé "Augustus", Octave, le premier empereur romain, se disait donc investi d'une sorte de légitimité jupitérienne. Quant à nous, nous gardons sans le savoir le souvenir de la consultation des augures préalable à toute fondation dans nos modernes "inaugurations"...