Le stoïcisme dune héroïne
Inspirée des écrits de Tite-Live, luvre
relate lattitude des Sabines, dont lenlèvement
a déclenché la guerre entre leur cité et
Rome. Bravant les combats, elles se jettent entre leurs maris
et leurs pères et déclarent quelles préfèrent
mourir que de devenir veuves ou orphelines. Hersilie, Sabine et
épouse de Romulus, le chef de larmée romaine,
sépare dune manière héroïque les
belligérants. Ainsi sachèvent les luttes fratricides
et naît lunion des deux cités. Hersilie symbolise
à elle seule le groupe des Sabines. Elle occupe le centre
de la composition en frise. Dans une attitude héroïque,
elle est placée en contra posto, la tête tournée
dun côté, avec un profil à lantique,
tandis que sa main, en sens opposé, repousse un guerrier.
Un schéma antiquisant en frise
Dans un cadrage serré, les personnages, disposés
en frise, sont peints grandeur nature, une échelle couramment
utilisée par le peintre. Lespace fermé par
un mur à gauche et par des lances donne au lieu un aspect
de rideau de scène de théâtre pour permettre
la concentration sur la présence féminine. Le caractère
sculptural des personnages qui évoluent dans un espace
dense, créé un effet de bas-relief antique. Cette
composition se répète avec les combattants à
lhorizon.
Le personnage dHersilie se détache à laide
des vifs coloris rouge et vert de son vêtement, qui tranche
avec le ciel dun bleu intense. Les contours nets, en référence
au style antiquisant, sont ceux utilisés par le peintre
après son séjour à Rome de 1621 à
1623 auprès du pape bolonais Grégoire XV.
Une composition à succès
Luvre a été réalisée peu
de temps après linstallation du peintre à
Bologne en 1642, quand la mort de Guido Reni, qui dominait la
scène artistique locale et auquel il emprunta une touche
de classicisme, lui permit doccuper le devant de la scène.
Une belle postérité a été réservée
à cette toile qui a sans doute fournie un modèle
pour Les Sabines de David,
peintes un siècle et demi plus tard.
Le tableau était destiné à prendre place
dans la galerie de lhôtel parisien de Louis Phélypeaux
de La Vrillière, édifié par François
Mansart, parmi dautres ouvrages sur des thèmes inspirés
de lhistoire grecque et romaine. Si les premières
uvres évoquent des sujets héroïques masculins,
les suivantes mettent en scène des héroïnes
antiques. Lartiste honore la commande de trois tableaux
pour ce lieu.
[louvre.edu], texte de Corinne Dollfus