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 Déjà neuf jours se sont écoulés ; déjà la nuit couvre de son ombre la terre pour la neuvième fois, depuis que Médée, portée sur son char traîné par des dragons ailés, a parcouru la Thessalie : elle revient, et déjà les dragons ont dépouillé leur vieille écaille, rajeunis par la seule odeur des végétaux qu'elle a cueillis.
Elle s'arrête et descend devant la porte du palais d'Éson. Elle ne veut d'autre toit que le ciel. Elle évite les profanes regards des mortels. Elle élève deux autels de gazon, l'un à droite pour Hécate, l'autre à gauche pour Hébé; elle les entoure de verveine et d'agrestes rameaux. Elle ouvre la terre, elle y creuse deux bassins, et plongeant le couteau dans la gorge d'une brebis noire, elle épanche son sang dans les deux fosses, répand dans l'une une coupe de vin, dans l'autre une coupe de lait chaud ; et, prononçant quelques paroles magiques, elle invoque les dieux de la terre ; elle conjure le roi des pâles ombres, et Proserpine son épouse, de ne pas hâter pour Éson le ciseau de la Parque homicide.

  Quand elle eut apaisé les sombres déités par de longues prières, elle ordonne qu'on apporte le corps d'Éson auprès des magiques autels ; et, l'ayant plongé par ses enchantements dans un sommeil profond, qui ressemble à la mort, elle le couche sur les végétaux qu'elle vient d'étendre sur la terre. Elle commande ensuite à Jason et aux esclaves de se retirer, et d'éloigner leurs yeux profanes des mystères qu'elle va commencer. Ils obéissent. Médée, les cheveux épars, et telle qu'une bacchante, tourne autour des autels où brille un feu sacré. Elle plonge des brandons dans le sang de la victime, et les allume tout sanglants au foyer des autels. Elle purifie le vieillard, trois fois par le feu, trois fois par l'onde, et trois fois par le soufre.