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Comme le Christianisme, avec lequel il rivalisa entre le I° siècle et le début du IV° siècle dans l'Empire romain, le culte de Mithra est une religion du salut ; c'est aussi une religion à mystères, d'origine indo-persane (la Perse est aujourd'hui l'Iran), que les pirates et les mercenaires étrangers introduisirent à Rome où elle gagna rapidement la faveur des empereurs.
Une image sacrée
L'image énigmatique que l'on voit ici représente la scène qui ornait chaque lieu du culte : Mithra, coiffé d'un bonnet phrygien, tient le taureau par les naseaux et, le plaquant au sol, il le frappe au coeur, derrière l'épaule gauche ; un chien lèche le sang sorti de la blessure ; un scorpion mord les testicules du taureau tandis qu'un serpent semble le piquer à la patte ; de la queue du taureau jaillissent des épis de blé ; selon une version tardive du mythe, en effet, la végétation serait née de la moëlle du taureau primordial et les espèces animales viendraient de sa semence, recueillie par la lune, qui veille ici sur la scène avec le soleil. Le scorpion symbolise les forces du mal qui tentent de tarir la vie à sa source mais le meurtre du taureau sauve la création et le sang répandu féconde la terre. Un rayon solaire frappe le dieu de la lumière qui triomphe ainsi des ténèbres : après le sacrifice du taureau, Mithra monte sur le char du soleil. Les adeptes de Mithra voyaient dans le sacrifice du taureau une promesse de salut : "Et nos seruasti eternali sanguine fuso", disait leur prière...
Un culte indo-iranien
Le mot védique "mithra" signifie tout à la fois "ami" et "contrat" ; le dieu Mithra, qui s'oppose à Varuna, est l'ami des hommes, c'est le dieu de la lumière et de la justice qui veille au respect des alliances et des serments : on sait par exemple que les rois persans juraient par Mithra. Peu à peu, l'image de Mithra évolue et assimile des fonctions pastorales et des attributs guerriers empruntés à Indra, dieu du panthéon védique : dieu de l'aurore, Mithra lutte contre les ténèbres ; garant de la propriété, il protège les troupeaux et assure la prospérité des hommes en faisant tomber la pluie qui fait pousser l'herbe indispensable à leur pâture ; mais l'ami des hommes se fait redoutable : s'il guérit les malades et protège les combattants, il châtie aussi durement les parjures.
Le culte indo-iranien de Mithra n'était pas une religion à mystères, c'était une religion officielle à laquelle le Grand Roi de Perse participait en personne par des libations et des danses sacrées. C'est par les colonies grecques d'Asie Mineure que le culte s'introduisit dans le monde gréco-romain : Mithridate I° , roi des Parthes (171-138 av.J.C.), porte le nom du dieu Mithra et son fils Antiochus I° fit graver une inscription qui assimile le dieu indo-iranien au panthéon grec : Apollon-Mithras-Hélios-Hermès. L'historien Plutarque date d'ailleurs de cette époque, en 67 av.J.C., l'introduction des mystères en Italie par des pirates alliés au roi du Pont, Mithridate VI Eupator, capturés par Pompée. Ces pirates ciliciens, en lutte contre l'impérialisme romain, pratiquaient des sacrifices et des initiations rituelles dans des grottes secrètes où les affiliés s'engageaient par serment.
La religion des légionnaires
Religion de soldats et non de prêtres, le culte de Mithra avait tout pour séduire les légionnaires romains qui répandirent le culte du dieu dans l'Empire. Durant le II° siècle après J.C., le culte de Mithra s'implanta dans toutes les villes de garnison, en Italie, en Gaule, en Bretagne, en Afrique et jusqu'au Danube. A Rome, l'empereur Commode et ses successeurs adoptèrent le culte de Mithra pour se concilier l'armée ; on célèbrait Mithra sur le Palatin et sur l'Aventin et le mithraïsme faillit même devenir religion d'État sous Aurélien. Mais le culte de Mithra, si répandu dans l'armée, n'avait pas pénétré en profondeur les couches populaires, au IV° sicèle, il s'éteignit laissant la place au christianisme avec lequel il présentait beaucoup de similitudes. Lorsque le christianisme s'imposa en Italie, de nombreuses églises prirent la place du mithraeum, le lieu de culte des adeptes de Mithra. Le adeptes de Mithra croyaient en effet à la montée des âmes au ciel, à la fin des temps, avec le retour de Mithra sur le char du soleil qui devait purifier le monde par le feu.
Le mithhraeum ou temple de Mithra et l'initiation
A l'origine, le mithraeum était une caverne et il en gardera toujours la forme ; il était aménagé comme une salle à manger et ne pouvait guère recevoir qu'une douzaine de convives à la fois : deux banquettes latérales, destinées aux mystes (les initiés), entouraient un couloir qui conduisait à la statue ou au bas-relief représentant le sacrifice du taureau. De chaque côté du couloir ou de la statue du dieu, se tenaient deux images de porteurs de torche : l'un, symbole de la végétation florissante du printemps et de l'été, la tenait levée, l'autre, symbole de la stérilité de la mauvaise saison, abaissée. Le mithraeum était généralement orienté de telle sorte que le soleil levant frappe la statue du dieu à l'equinoxe de printemps. Les mystes prenaient leurs repas en commun dans le mithraeum ; ils "communiaient" avec du pain et de l'eau mais sans doute aussi avec du vin, en prononçant des formules rituelles ; ils consommaient également la viande d'un taureau au cours de ces "banquets d'immortalité". Il y avait trois offices par jour, autant que de repas ; le septième jour de la semaine était particulièrement sacré ; le 25 décembre, on fêtait l'anniversaire du soleil et celui de Mithra, né comme l'étincelle de la pierre à feu.
L'initiation comportait sept grades, placé chacun sous la protection d'un astre et correspondant à une fonction rituelle : le Corbeau, associé à Mercure, versait à boire ; l'Epoux était associé à Venus ; le soldat, à Mars ; le Lion, associé à Jupiter, brûlait de l'encens et purifiait les adeptes par le feu ; le Perse était associé à la lune ; le Courrier d'Hélios, au soleil ; le Père, à Saturne. Sur chaque communauté veillait un Père et le Père des Pères régnait sur un ensemble de communautés. Lorsque l'initié devenait soldat, il était sans doute baptisé par le feu (marqué au fer rouge). A chaque grade correspondaient un masque et des ornements rituels.