Tibère

L'emprereur Tibère (vers 10 après J.-C.) marbre h. : 32 cm [louvre.edu], photo Erich Lessing

En épousant Livie, Auguste introduisait du même coup dans sa famille le fils que celle-ci avait eu d'un premier mariage, Tiberius Claudius Nero, qu'il devait adopter en 4 après J.-C.

Après ses campagnes en Germanie et en Illyrie, Tibère, qui appartenait à la gens Claudia, reçut d'Auguste un imperium maius qui l'associait au pouvoir (13 avant J.-C.) puis la main de sa fille Julie.

"Né à Rome l'an 42 avant J.-C., mort à Misène l'an 37 de notre ère, Il était fils de Tiberius Nero et de la fameuse Livie, qui divorça pour épouser Octave, alors qu'il n'était encore que triumvir. Entré jeune dans les charges publiques, Tibère se distingua dans la guerre contre les Cantabres, restaura Tigrane sur le trône d'Arménie, gouverna la Gaule Chevelue pendant un an, fit la guerre avec succès dans les Alpes, en Germanie, en Pannonie et en Dalmatie. Auguste récompensa ses services par le consulat et la puissance tribunitienne (6 av. J,-C.) et par la main de sa fille Julie, dont les débauches devinrent la fable de Rome. Des motifs mal connus le déterminèrent à quitter Rome. Il se retira à Rhodes et y vécut sept ans dans une sorte d'exil. Rappelé enfin par l'empereur sur les instances de Livie (2 de J.-C.), il vécut quelque temps en simple particulier. La mort des fils d'Agrippa détermina Auguste à l'adopter et à le mettre de nouveau à la tête des armées. La Germanie, la Pannonie, la Dalmatie et l'Illyrie virent de nouveau briller ses talents militaires. La mort du prince (14) fit éclater sa duplicité politique. En même temps qu'il s'assurait de l'armée, des trésors et du palais, il feignait de n'accepter qu'à regret le pouvoir. Auguste, en l'instituant son héritier, n'avait pu avoir en vue que de lui transmettre sa fortune, et non un pouvoir qu'aucune loi ne rendait héréditaire. Mais la servilité du sénat aida à une interprétation plus large du testament et Tibère fut supplié d'accepter l'empire. Malgré le meurtre du dernier fils d'Agrippa, meurtre qu'il désavoua hypocritement, il fit paraître d'abord une modération remarquable, refusa les honneurs entassés à ses pieds par le sénat, se préoccupa du crédit public, de la subsistance du peuple et de la discipline des armées ; mais, en même temps, il supprimait définitivement les comices populaires, étendait le crime de lèse-majesté, qu'avait inventé Auguste, et inquiétait les Romains par quelques actes de despotisme, prélude des épouvantables excès qui devaient ensanglanter ce règne. Bientôt, son neveu Germanicus, dont la gloire lui portait ombrage, fut empoisonné en Orient ; Pison, gouverneur de Syrie, accusé de ce crime et traduit devant le sénat, fut trouvé mort dans sa prison, et l'on soupçonna Tibère d'avoir commandé le meurtre et de s'être ensuite débarrassé du complice (19). Dès lors, son gouvernement, jusque-là mêlé de quelque bien, devint chaque jour plus tyrannique et plus cruel. Il avait déjà pour principal ministre Séjan, dont le crédit s'augmenta dans la suite jusqu'à balancer la puissance impériale, et qui le secondait dans ses violences et sa tyrannie. Les délateurs se multiplièrent, enrichis par la confiscation des biens de ceux qu'ils dénonçaient ; cette race dégradée devint même une sorte de magistrature que plus tard Domitien déclara sacrée. La terreur planait sur tous ; le sénat, de plus en plus avili, ne fut plus que l'instrument des vengeances de l'empereur. En l'an 26, Tibère quitta Rome et se retira dans l'île de Capri, qui devint le repaire de ses défiances, de ses débauches et de sa tyrannie. C'est du fond de cet asile qu'il gouvernait l'empire et envoyait ses arrêts à Séjan et au sénat. Toute la famille des Germanicus fut frappée ; les amis restés fidèles à la mémoire de cet homme illustre tombaient chaque jour, victimes de la cupidité des délateurs. L'historien Cremutius Cordus, accusé d'avoir loué dans ses livres les derniers des Romains, Cassius et Brutus, fut forcé de se donner la mort. Rome s'enfonçait de plus en plus dans l'esclavage et voyait commencer avec les empereurs cette longue suite de monstres nés de sa propre corruption et qui sont restés dans l'histoire comme les types mêmes du despotisme et de la cruauté. Cependant Séjan convoitait, dit-on, la pourpre et conspirait pour en dépouiller Tibère. Déjà il avait fait empoisonner Drusus, fils de l'empereur, qui était un obstacle à son ambition. Depuis, profitant habilement de l'absence de son maître, il avait augmenté son pouvoir et conquis, malgré la haine publique, une autorité tellement exclusive que Tibère en fut épouvanté. Après une longue dissimulation, il envoya des ordres secrets : le ministre fut arrêté en plein sénat, jeté en prison et étranglé le jour même (3l). Cette terrible justice du tyran ne fut que le commencement de cruautés nouvelles, et Séjan fut fatal après sa mort comme pendant sa vie, car une foule de victimes furent immolées sous le vain prétexte de complicité. Enfin, ulcéré par la haine, aigri par les soupçons, usé par l'âge, les maladies et plus encore par d'infâmes débauches, Tibère mourut à Misène l'an 37 de J.-C., après avoir désigné Caligula comme un de ses héritiers. A ses derniers moments, il sembla vouloir revenir à la vie ; le préfet Macron se hâta de le faire étouffer. Ce monstre avait des capacités militaires et politiques. Quelques-unes de ses mesures, surtout celles qui concernaient les finances, furent sagement conçues et appliquées. Il eut aussi des talents littéraires, composa des poèmes grecs et latins, et il était, à Capri, entouré de sophistes grecs. Il avait laissé des Mémoires fort courts dont Domitien faisait ses délices, mais qui sont perdus.
Tacite résume ainsi son caractère et son règne : " Une vie et une réputation honorables tant qu'il fut homme privé ou qu'il commanda sous Auguste ; du secret et de la ruse pour contrefaire des vertus tant que Germanicus et Drusus vivaient encore. Mêlé de bien et de mal jusqu'à la mort de sa mère, détestable par sa cruauté, mais caché dans ses débauches tant qu'il aima Séjan ou qu'il en eut peur ; enfin, il se précipita tout ensemble dans les crimes et dans les infamies depuis que, libre de honte et de crainte, il n'agissait plus que par son propre génie. " (Larousse du XIX° siècle)