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En épousant Livie, Auguste introduisait du même coup dans sa famille le fils que celle-ci avait eu d'un premier mariage, Tiberius Claudius Nero, qu'il devait adopter en 4 après J.-C.
Après ses campagnes en Germanie et en Illyrie, Tibère, qui appartenait à la gens Claudia, reçut d'Auguste un imperium maius qui l'associait au pouvoir (13 avant J.-C.) puis la main de sa fille Julie.
"Né
à Rome l'an 42 avant J.-C., mort à Misène
l'an 37 de notre ère, Il était fils de Tiberius
Nero et de la fameuse Livie, qui divorça pour épouser
Octave, alors qu'il n'était encore que triumvir. Entré
jeune dans les charges publiques, Tibère se distingua dans
la guerre contre les Cantabres, restaura Tigrane sur le trône
d'Arménie, gouverna la Gaule Chevelue pendant un an, fit
la guerre avec succès dans les Alpes, en Germanie, en Pannonie
et en Dalmatie. Auguste récompensa ses services par le
consulat et la puissance tribunitienne (6 av. J,-C.) et par la
main de sa fille Julie, dont les débauches devinrent la
fable de Rome. Des motifs mal connus le déterminèrent
à quitter Rome. Il se retira à Rhodes et y vécut
sept ans dans une sorte d'exil. Rappelé enfin par l'empereur
sur les instances de Livie (2 de J.-C.), il vécut quelque
temps en simple particulier. La mort des fils d'Agrippa détermina
Auguste à l'adopter et à le mettre de nouveau à
la tête des armées. La Germanie, la Pannonie, la
Dalmatie et l'Illyrie virent de nouveau briller ses talents militaires.
La mort du prince (14) fit éclater sa duplicité
politique. En même temps qu'il s'assurait de l'armée,
des trésors et du palais, il feignait de n'accepter qu'à
regret le pouvoir. Auguste, en l'instituant son héritier,
n'avait pu avoir en vue que de lui transmettre sa fortune, et
non un pouvoir qu'aucune loi ne rendait héréditaire.
Mais la servilité du sénat aida à une interprétation
plus large du testament et Tibère fut supplié d'accepter
l'empire. Malgré le meurtre du dernier fils d'Agrippa,
meurtre qu'il désavoua hypocritement, il fit paraître
d'abord une modération remarquable, refusa les honneurs
entassés à ses pieds par le sénat, se préoccupa
du crédit public, de la subsistance du peuple et de la
discipline des armées ; mais, en même temps, il supprimait
définitivement les comices populaires, étendait
le crime de lèse-majesté, qu'avait inventé
Auguste, et inquiétait les Romains par quelques actes de
despotisme, prélude des épouvantables excès
qui devaient ensanglanter ce règne. Bientôt, son
neveu Germanicus, dont la gloire lui portait ombrage, fut empoisonné
en Orient ; Pison, gouverneur de Syrie, accusé de ce crime
et traduit devant le sénat, fut trouvé mort dans
sa prison, et l'on soupçonna Tibère d'avoir commandé
le meurtre et de s'être ensuite débarrassé
du complice (19). Dès lors, son gouvernement, jusque-là
mêlé de quelque bien, devint chaque jour plus tyrannique
et plus cruel. Il avait déjà pour principal ministre
Séjan, dont le crédit s'augmenta dans la suite jusqu'à
balancer la puissance impériale, et qui le secondait dans
ses violences et sa tyrannie. Les délateurs se multiplièrent,
enrichis par la confiscation des biens de ceux qu'ils dénonçaient
; cette race dégradée devint même une sorte
de magistrature que plus tard Domitien déclara sacrée.
La terreur planait sur tous ; le sénat, de plus en plus
avili, ne fut plus que l'instrument des vengeances de l'empereur.
En l'an 26, Tibère quitta Rome et se retira dans l'île
de Capri, qui devint le repaire de ses défiances, de ses
débauches et de sa tyrannie. C'est du fond de cet asile
qu'il gouvernait l'empire et envoyait ses arrêts à
Séjan et au sénat. Toute la famille des Germanicus
fut frappée ; les amis restés fidèles à
la mémoire de cet homme illustre tombaient chaque jour,
victimes de la cupidité des délateurs. L'historien
Cremutius Cordus, accusé d'avoir loué dans ses livres
les derniers des Romains, Cassius et Brutus, fut forcé
de se donner la mort. Rome s'enfonçait de plus en plus
dans l'esclavage et voyait commencer avec les empereurs cette
longue suite de monstres nés de sa propre corruption et
qui sont restés dans l'histoire comme les types mêmes
du despotisme et de la cruauté. Cependant Séjan
convoitait, dit-on, la pourpre et conspirait pour en dépouiller
Tibère. Déjà il avait fait empoisonner Drusus,
fils de l'empereur, qui était un obstacle à son
ambition. Depuis, profitant habilement de l'absence de son maître,
il avait augmenté son pouvoir et conquis, malgré
la haine publique, une autorité tellement exclusive que
Tibère en fut épouvanté. Après une
longue dissimulation, il envoya des ordres secrets : le ministre
fut arrêté en plein sénat, jeté en
prison et étranglé le jour même (3l). Cette
terrible justice du tyran ne fut que le commencement de cruautés
nouvelles, et Séjan fut fatal après sa mort comme
pendant sa vie, car une foule de victimes furent immolées
sous le vain prétexte de complicité. Enfin, ulcéré
par la haine, aigri par les soupçons, usé par l'âge,
les maladies et plus encore par d'infâmes débauches,
Tibère mourut à Misène l'an 37 de J.-C.,
après avoir désigné Caligula comme un de
ses héritiers. A ses derniers moments, il sembla vouloir
revenir à la vie ; le préfet Macron se hâta
de le faire étouffer. Ce monstre avait des capacités
militaires et politiques. Quelques-unes de ses mesures, surtout
celles qui concernaient les finances, furent sagement conçues
et appliquées. Il eut aussi des talents littéraires,
composa des poèmes grecs et latins, et il était,
à Capri, entouré de sophistes grecs. Il avait laissé
des Mémoires fort courts dont Domitien faisait ses délices,
mais qui sont perdus.
Tacite résume ainsi son caractère et son règne
: " Une vie et une réputation honorables tant qu'il
fut homme privé ou qu'il commanda sous Auguste ; du secret
et de la ruse pour contrefaire des vertus tant que Germanicus
et Drusus vivaient encore. Mêlé de bien et de mal
jusqu'à la mort de sa mère, détestable par
sa cruauté, mais caché dans ses débauches
tant qu'il aima Séjan ou qu'il en eut peur ; enfin, il
se précipita tout ensemble dans les crimes et dans les
infamies depuis que, libre de honte et de crainte, il n'agissait
plus que par son propre génie. " (Larousse du XIX°
siècle)